Oh GuiGui tu m'as répondu ! C'est trop cool il faudra que tu me racontes par quel incroyable hasard tu es tombé sur mon Shaarli, car je ne m'attendais pas du tout à découvrir une réponse à l'un de mes posts dans ton flux ce matin ! J'aime les surprises, cela a illuminé ma journée \(^__^)/
Alors concernant la Lex Monetae et après une lecture attentive, je pense que je suis d'accord avec toi sur pas mal de points. J'aimerai quand même te proposer quelques remarques pour partager nos points de vue si tu veux bien.
Tu écris :
[...] Ce principe juridique (lex monetae) n'a jamais été mis à l'épreuve devant un tribunal [...]
Non seulement c'est tout à fait vrai mais je considère aussi que c'est quelque chose qui l'affaiblie.
Par contre, ce qui me laisse penser qu'elle sera quand même applicable c'est le fait qu'elle ait déjà été utilisée au moins deux fois en France sur le siècle glissant, lors du passage des Centimes (aka. "anciens Francs") aux Francs, puis des Francs à l'Euro.
Du coup, l'argument qui est de dire, on ne peut pas prétendre savoir aujourd'hui de quoi demain sera fait et donc qu'on ne peut se tenir pour dit que la Lex Monetae nous protégera d'une catastrophe voire que c'est bien là tout contraire, bah l'argument marche dans les deux sens : personne n'en sait rien.
D'ailleurs il me fait penser au FUD (c-à-d. Fear Uncertaincy and Doubt) qu'entretenait Microsoft sur la licence GPL lorsqu'elle prétendait que cette licence ne protégerait de rien alors que l'histoire nous a montré le contraire.
[...] Exposer que l'on a déjà appliqué la lex monetae lors du passage à l'euro ne me convainc pas : cela a eu lieu dans un contexte légal [ndr. je comprends "légal et favorable"] [...]
Sortir de l'UE peut se faire suite à deux années de négociation dès qu'un pays le demande par le fameux article 50 du TFUE. Cette période de négociation fournit ici le cadre légal idéal pour aborder le sujet mais ça ne veut pas dire pour autant que le climat sera favorable à la sortie ; j'imagine que certains étaient lésés lors du passage à l'UE et d'autres seront lésés par un retour aux nations, mais je pense que ces forces s'équilibrent globalement.
Après, et ce que je m'apprête à dire va jouer un peu en ma défaveur, encore faut-il que les représentants organisant un Frexit souhaitent vraiment qu'il y ait une sortie. Je pense en l’occurrence à Theresa May qui était une farouche anti-Brexit et qui a tout fait pour empêcher une sortie sereine des Britanniques. Typiquement si nous avions Emmanuel Macron en grand leader d'un Frexit et je me dirai autant aller vivre dès maintenant en Suisse ou au Luxembourg.
Si le pays sort de la zone euro, mais pas de l'UE, quelle lex monetae s'applique ? Les créanciers pourront-ils poursuivre la France devant la CJUE ? Incertitudes.
Je suis d'accord tout entre-deux n'a aucun sens et je pense qu'il faut sortir totalement de l'UE. D'ailleurs Le TFUE et le TUE sont formels à ce sujet, soit un pays prend tout le package, soit un pays ne prend rien. Et c'est justement ce point précis qui pose le plus problème avec l'UE, car nos 28 pays aux économies, aux cultures, aux philosophies et aux intérêts financiers, militaires et politiques divergents ne peuvent disposer d'un cadre juridique et d'une législation scrupuleusement identiques et qui soient en même temps parfaitement adaptés à chacun. Il me semble qu'à ce sujet Victor Hugo disait "l'Europe sera fédérale ou ne sera pas".
Du coup, pendant les négociations succédant à l'activation de l'article 50, l'arbitrage pourra se faire soit via la CJUE (car la France fera toujours partie de l'UE mais quid de l'impartialité de cette cour ?) soit via les négociations. Sachant tout de même qu'il n'y a pas à ma connaissance "plusieurs Lex Monetae", le principe étant partagé par tous les pays ou presque (en général l'Arabie Saoudite & Co font office d'exception mais là ils ne sont pas concernés) ; donc la question serait plutôt "qui va trancher ?" et non "sur quel principe allons-nous devoir trancher ?".
Pour reprendre l'idée d'une sortie de l'euro-zone mais pas de l'UE, les Minibots Italiens sont a priori une première manœuvre pour anticiper une sortie de l'Italie car ils octroieront un levier considérable lors des phases de négociation. Bref, intégrer l'UE ne fût pas un acte simple, en sortir ne le sera pas non plus.
Ensuite lorsque tu écris :
[...] Augmentation du service de la dette dès l'annonce de la sortie du pays et avant la conversion en monnaie locale donc jeu perdu [...]
Ça ne s'est pas passé comme cela pour les Britanniques alors que tous les médias annonçaient un cataclysme (et l'annoncent toujours), mieux encore les investissements sont repartis depuis deux ans. Charles Gave disait dans une interview que "le Brexit redonnait de la démocratie au peuple Britannique et qu'historiquement les marchés avaient toujours salué un regain de démocratie".
C'est un peu comme la perte du triple A pour la France alors que ses taux d'intérêt d'emprunt sont négatifs ou presque. Ces prédictions n'ont pour moi aucun sens, elles sont édictées par les mêmes qui n'avaient pas vu venir la crise du pétrole en 90/2000 ni la crise des subprimes en 2008.
D'autant que si le Franc se dévaluait, automatiquement les exportations augmenteraient en compensation, ce qui effacerait la dévaluation et impliquerait une réévaluation à terme car "ce sont les exportations qui font les importations" comme l'explique si bien Adam Smith dans son ouvrage De la Richesse Des Nations.
Enfin, rien ne nous empêche de créer des Minibots à la française par anticipation pour disposer du même levier que nos partenaires Italiens.
Pour moi, l'argument le plus fort allant à l'encontre de la Lex Monetae réside dans cette phrase :
[...] Quand ils [ndr. les créanciers] se sentent lésés en pareille matière, ils n'hésitent pas à attaquer, souvenons-nous des fonds d'investissement états-uniens qui ont contesté jusqu'au bout la restructuration de la dette publique de l'Argentine (certes, ils ont dû consentir à une ristourne… ridiculement faible). [...]
Et là, c'est tragiquement vrai. Les créanciers agissent en meute, ils sont violents, sans pitié et disposent de moyens considérables aux niveaux nationaux et internationaux. La répression tout azimute qu'orchestreraient les marchés financiers et la mafia européenne sont les deux plus grandes difficultés d'une sortie de tout pays de cette UE.
Cependant, pour les marchés, nous savons que les plus gros prêteurs sont également les plus gros emprunteurs, ce faisant détruire la Lex Monetae devant une cour impliquerait qu'ils devraient à terme gérer le risque de change et le risque étatique (triple A toussa) mais qu'en plus ils devraient gérer le risque lié aux contrats qu'ils détiennent. Ce n'est pas dans leur intérêt, certains de ces titres perdraient toute valeur même si leur exécution se passe comme prévue.
Par contre, l'oligarchie elle n'a que faire de ces problèmes. La France qui sort et c'est 67 millions de personnes sur qui les puissants perdent tout pouvoir sans compter la fin de l'usage de l'influence de notre pays à l'international pour des bénéfices personnels. Eux me font trembler et je n'ai absolument aucun argument à te proposer mis à part le rapport de force pur et dur, aussi brutal qu'il puisse être et dont tu faisais mention. Je ne crois pas qu'on puisse discuter sereinement avec une meute de loups atteints par la rage et qui souhaitent nous dévorer. #ZesteDeComplotisme
J'ai beau adhérer à une bonne partie des thèses de l'UPR, je rejoins totalement Tatiana Ventôse dans cette vidéo lorsqu'elle explique qu'avant que l'on ne fantasme un Frexit, mieux vaut que la graaaaaaaaaande majorité des concernés soit pour d'une part et en comprenne parfaitement les tenants et les aboutissants d'autre part.
Aussi, et si tu me le permets, je vais conclure en te citant car cela résume notre situation à la perfection :
[...] il faut toujours espérer le meilleur et préparer le pire [...]
Merci à toi d'avoir pris le temps de me répondre.