Je repensais hier soir à l'histoire du Bateau de Thésée. Pour ceux qui ne connaissent pas cette expérience de pensée, en voici court un résumé :
- Thésée détient un bateau et navigue dessus pendant plusieurs années accompagné de son équipage.
- À cause des effets du temps, l'usure contraint Thésée à remplacer quelques parties de son bateau.
- Cette usure continue et permanente fait qu'au bout de quelques années, toutes les pièces du bateau ont été remplacées au moins une fois.
Question : lorsque toutes les pièces du bateau ont été remplacées, s'agit-il encore du bateau de Thésée ou d'un autre bateau ?
Poursuivons l'expérience de pensée, le temps s'écoule encore et Thésée et son équipage remplacent plusieurs fois chacune des pièces de ce bateau. Si la toute première fois certains acceptaient encore l'appellation "bateau de Thésée", le peuvent-ils lorsque chaque pièce a été remplacée au moins 10 fois ? Au moins 100 fois ? Y a-t-il un point de rupture et si oui, où se situerait-il ? Et finalement ne peut-on pas le déterminer à 1 ?
Mais continuons l'expérience de pensée, l'équipage du bateau de Thésée meurt, ce faisant un à un les marins sont eux-mêmes tous remplacés par de nouveaux marins, Thésée lui-même n'en est plus le capitaine depuis plusieurs années, voire plusieurs siècles. Évidemment, chaque nouvelle génération d'équipage continue le remplacement des pièces usées. À présent, les pièces ont chacune été remplacées plusieurs milliers de fois par une succession d'équipages totalement différents puisque eux-mêmes remplacés... Peut-on encore parler du bateau de Thésée ? Ce nom a-t-il encore un sens ? Qu'est-ce en réalité ? Un concept ? Un rite ? Une religion ? Quelque chose de culturel ? Une sorte d'idée ?
La question fait débat depuis le 5-ème siècle avant JC pour ceux qui pensent détenir la réponse... Mais certains s'accordent à dire que le bateau de Thésée n'est plus vraiment le bateau de Thésée sans pour autant déterminer à partir de quand cette rupture devient effective.
Bon passons à l'analogie. Considérons un pays qui a attaqué un ou plusieurs autre pays. Ajoutons que ce pays a même esclavagé un ou plusieurs peuples. Ce pays est donc coupable de quelque chose et doit s'excuser/réparer aujourd'hui.
À cette idée je réponds : un pays est un bateau de Thésée. Ses infrastructures changent, son équipage aussi. Ce pays ne transporte pas les mêmes choses aux mêmes endroits que sa version précédente. Et au vu de la dimension d'une nation et de la quantité d'individus qui la constitue, déterminer le moment précis où la version d'un pays change est une chose encore plus ardue que celle pourtant impossible du bateau de Thésée. Dit autrement la France d'aujourd'hui n'est pas du tout la même que celle d'il y a 10, 50, 100 ou 200 ans car des citoyens ET des élements de celles-ci ont été non seulement remplacés mais aussi supprimés et ajoutés. L'appellation "France" reste mais la "chose France" se déplace.
C'est pour cette raison que je considère qu'aucun peuple peut être tenu pour responsable des actions passées de sa nation et conséquemment nous n'avons ni dettes à payer ni excuses à fournir.
Le plus amusant est qu'en plus, une nation est une idée qui n'est pas figée et proprement établie partout pareil dans le monde. En effet la représentation de cette idée change en fonction du peuple qui la conçoit car le point de vue pour définir ce qui permet d'être une société est forcément ethno-centré et subjectif : certains prendrons en compte la religion, d'autres la langue, d'autres la monnaie, d'autres le tracé des frontières, d'autres un idéal politique comme la présomption d’innocence ou encore le droit de posséder une arme, etc.
Je résumerai mon point de vue en ceci : chaque peuple, qu'il soit vainqueur ou vaincu est coresponsable de son histoire. Si certains ont préféré la dolce vita au détriment de la puissance militaire leur permettant de protéger leur propre descendance face à des envahisseurs, alors ils sont tout aussi responsables d'avoir été des cigales que leurs envahisseurs d'avoir été belliqueux. Ce n'est pas comme si d'un coup toute l'humanité découvrait qu'elle avait 10 000 ans de guerres et au moins autant d'esclavagisme... Ça a toujours été comme ça et tristement ça l'est encore (cf. Le Principe de Lucifer) !
Et c'est la raison pour laquelle je peste de constater l'abandon des infrastructures publiques car sans ce sacrifice d'aujourd'hui, nous encourageons la fin de notre descendance demain.
Et je rage d'autant plus de constater l'abandon de la souveraineté (c'est-à-dire le transfert des pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire et Monétaire à des entités étrangères comme la CE, l'OTAN, la CJUE et la BCE) qui par définition ne peuvent pas avoir des intérêts nationaux puisque ce sont des entités supra-nationales, c'est-à-dire au-dessus et en dehors des nations ; dès lors, notre nation devient un bateau de Thésée dont les pièces sont remplacées par des gens qui n'appartiennent pas à son équipage, qui ne sont jamais montés à bord et dont les pièces fournies ne correspondent pas à celles à changer afin de conserver la forme et l'état du bateau...