OVH s'est transformé et s'est doté d'un nouveau modèle d'organisation afin de rester agile et de savoir s’adapter en permanence, en fonction des innovations et des besoins des clients. Pourquoi cette nouvelle organisation et comment fonctionne-t-elle ?
Pour Chlouchloutte, l'agilité et les QRWeeks chez OVH.
Je suis en train de travailler sur l'Agilité Liquide. Je me mets de côté cet article sur Scrum 3.0 dont certains des points correspondent à ce que l'Agilité Liquide prône.
Imparable ! L'agilité puise sa source dans la pensée anarchiste d'où sont incompatibilité avec les sociétés pyramidales avec une autorité supérieure avide de contrôle et friande d'exercer son pouvoir.
Je copie-colle pour back-up :
L’échec de l’agilité : l’anarchisme confronté aux entreprises
by Maury Fabien • 13 février 2017 • 5 CommentsL’agilité.
Tout le monde en parle, tout le monde en fait … mais presque tout le monde affiche un sourire crispé quand on lui en parle, met des guillemets en l’énonçant, s’excuse de le faire approximativement :
‘On fait presque du Scrum’, ‘oui, on est “agile” (petit signe en guillemets)’, ‘oui, oui, on est agile, enfin…’.Mais au fond de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce que ce fameux “agile” ?
S’adapter à un environnement changeant et surtout rectifier le tir pendant qu’il en est encore temps : c’est la première caractéristique qui me vient à l’esprit.
Le feedback permet de vérifier que l’on s’est bien compris, d’apprendre et de s’adapter. Et si la boucle de feedback est rapide, elle permet d’apprendre rapidement et donc de s’améliorer.Les pratiques agiles sont souvent mises en opposition avec la gestion de projet traditionnelle (dite “waterfall”,”cycle en V”), car elles permettent d’éviter le fameux “effet tunnel”, qui consiste à ne pouvoir recevoir de feedback qu’en fin de projet, donc quand il est trop tard.
Le fait de devoir construire la route qu’emprunte le projet, au fur et à mesure qu’il avance, me fait penser à l’anarchiste Kropotkine qui écrivait que l’harmonie dans la société se ferait “par un incessant mouvement d’ajustement et de réajustement entre une multitude de forces et d’influences”.
Kropotkine se refusait, comme la plupart des anarchistes, à établir des plans précis et définitifs sur le fonctionnement que devrait avoir la société.
En effet, les anarchistes croient en l’autogestion et en l’autorégulation, et Kropotkine avait bien compris cette valeur du manifeste agile: L’adaptation au changement, plus que le suivi d’un plan.L’ordre moins le pouvoir
L’anarchisme est aujourd’hui souvent associée et réduite au chaos et à la violence. Afin d’éviter toute confusion, il me semble donc important de revenir sur les principes de base de l’anarchisme.
Tout d’abord, l’anarchisme prend sa source dans la contradiction entre l’Etat et la société (l’Etat ayant des buts et des objectifs en décalage avec les attentes et besoins du peuple) et souhaite éliminer cette contradiction en supprimant l’Etat.
Cela ferait de notre société une réunion libre d’êtres libres et égaux. En revanche, absence de pouvoir ne veut pas dire absence d’organisation : on parle donc bien ici d’auto-organisation. J’imagine que vous voyez où je veux en venir.Par exemple, les anarchistes n’aiment pas vraiment la police car elle est là pour faire respecter les lois… Et les anarchistes n’aiment pas vraiment les lois.
Seraient-ils donc pour le chaos ? Pour une société où chacun pourrait tuer son prochain sur un coup de tête et voler autrui par plaisir ? Bien sûr que non.
Dans La morale anarchiste, Kropotkine explique que les lois définissent ce qui est bien ou mal dans la société, le concept de légalité se substituant ainsi à la morale.
En outre, il dénonce le fait que les lois ont tendance à se mêler de choses qui ne regardent pas l’Etat (la sexualité, les croyances, etc.) et punissent des actions hors de leur contexte. Kropotkine nous propose donc une autre vision, basée sur le bien commun.anarchie
En effet, la seule vraie question qui semble retenir l’attention de Kropotkine est la suivante : “Est-ce bon pour la communauté ?”.
Sans la barrière entre légalité et illégalité et sans la présence des forces de l’ordre pour faire respecter ces lois, il serait à la charge de chaque individu de se poser la question et d’intervenir le cas échéant.
Il faut donc arriver à faire en sorte que les gens aient confiance en leur prise d’initiative pour qu’ils deviennent acteurs de leur société. On retrouve là la notion de Leadership portée par le lean et donc l’agilité.
Ainsi, une personne incivique dans les transports ou s’accaparant trop de ressources serait aussitôt stoppée par la population. Cette dernière ne pouvant plus se reposer sur une autorité tierce pour faire respecter l’ordre.
Cela remettrait l’éthique et la morale au centre de la société et des préoccupations des citoyens. L’effet positif serait de remettre toutes les formes de violences (physique, sociale, etc.) sur un pied d’égalité.Agilité et anarchisme contre le dogmatisme
L’agilité prône les équipes auto-organisées et le pragmatisme. Elle propose de s’adapter plutôt que de suivre dogmatiquement des process.
Mais au final, qu’est-ce qu’un process sinon une loi dans l’entreprise ? Les agilistes n’auraient-ils pas quelques valeurs anarchistes ?
Serions-nous en train d’arriver à cette autre valeur du manifeste agile : Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils ?
C’est pour cela que l’on préfère, au sein des équipes agiles, respecter des règles d’équipe (règles de vie définies par l’équipe lors des rétrospectives), que des process dictés par une tierce autorité.
D’ailleurs, le 11ème principe sous-jacent au manifeste Agile l’explique bien : Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées.Et l’on peut noter que les anarchistes ne rejettent pas toute forme d’autorité, seulement l’autorité imposée, ce qu’explique admirablement Bakunin
” Nous acceptons toutes les autorités naturelles et toutes les influences de fait, aucune de droit, car toute autorité ou toute influence de droit, et comme telle officiellement imposée devenant aussitôt une oppression et un mensonge, nous imposerait infailliblement, comme je crois l’avoir suffisamment démontré, l’esclavage et l’absurdité. En un mot, nous repoussons toute législation toute autorité et toute influence privilégiée, patentée, officielle et légale, même sortie du suffrage universel, convaincus qu’elles ne pourront tourner jamais qu’au profit d’une minorité dominante et exploitante, contre les intérêts de l’immense majorité asservie. Voilà dans quel sens nous sommes réellement des anarchistes.” Mikhail Bakunin
L’absence d’autorité n’est donc pas incompatible avec la présence de leaders, en revanche, elle demande une double responsabilité : celle de vouloir mener le groupe d’une part, et pour le groupe, celle de vouloir suivre les propositions du leader.
Tout le monde est ainsi responsabilisé.Dans un registre plus capillotracté, on pourrait aussi considérer la loi comme une documentation exhaustive.
L’anarchisme prônerait alors le fait d’avoir une société opérationnelle plus qu’une documentation exhaustive, c’est-à-dire une société qui fonctionne pour les personnes qui y vivent plutôt que d’avoir des lois qui expliquent comment les gens devraient se comporter.Une histoire de confiance ?
C’est la valeur qui se cache derrière la 3e valeur du manifeste agile : la collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.
Un contrat est généralement mis en œuvre pour protéger les parties l’une de l’autre. Difficile de vraiment collaborer lorsque ce qui nous unit est justement ce qui nous sépare.
On ne peut, en effet, se passer de négociations contractuelles que si les personnes présentes autour de la table ont le même but (la fameuse “communauté” par rapport à laquelle on positionne les notions de bien et de mal), hors intérêts externes.C’est pour ça qu’il faut être avec les “bonnes personnes”, centrés autour des mêmes valeurs. Autant la tâche est plus complexe dans une société car la “communauté” doit être inclusive (sinon la notion de bien par rapport à la communauté peut vite déraper), autant sur un projet, il est possible de choisir votre “communauté” ainsi que vos clients.
Profitez-en ! Car c’est le vrai point bloquant dans la vision décrite dans la morale anarchiste et vous avez le luxe de pouvoir vous mettre en conditions quasi idéales.L’agilité, la résurrection de l’anarchisme ?
Haymarket, la révolution russe, la guerre d’Espagne… A force d’assassiner les anarchistes, le mouvement était tombé en désuétude avec ses valeurs et sa définition dénaturées.
Mais j’ai l’impression que cette philosophie a réapparu sous le nom d’agilité. Et ce n’est pas par hasard car au final, quoi de plus logique que demander aux personnes qui font (et donc savent) plutôt que de leur imposer une vision depuis l’extérieur ?
En constatant l’échec des anciennes méthodes, l’industrie a commencé à faire preuve de pragmatisme et a préféré :
- mettre en place des boucles de feedback pour pouvoir s’adapter
- faire confiance aux équipes pour agir au mieux pour le projet
C’est donc pour moi la philosophie anarchiste qui est née à nouveau de nos projets : lorsqu’ils se sont heurtés aux limites du système hiérarchique pyramidal ainsi qu’aux plans établis à l’avance par une élite dite « sachante ».
Là où agilité et anarchisme diffèrent, c’est que les équipes agiles sont auto-organisées, alors que l’anarchisme prône l’auto-gestion.
La nuance entre ces termes se trouve dans la définition des objectifs. Dans l’auto-gestion, les objectifs sont définis par la communauté, alors que dans l’auto-organisation, on vous donne la liberté de moyens pour atteindre un objectif donné.
En effet, en entreprise, il semble pertinent que les objectifs à atteindre soient définis par votre patron (c’est le principe-même du salariat : l’enrôlement de personnes via un salaire pour les mettre en mouvement vers un objectif que vous désirez atteindre).D’ailleurs, c’est souvent en se trompant d’objectifs que l’on envoie ses équipes dans le mur (“implémenter Scrum”, “utiliser des micro-services”, etc. ne sont pas des objectifs).
Pourquoi l’agilité ne fonctionne-t-elle pas ?
Revenons enfin à notre sujet de départ :
Pourquoi ce malaise autour de l’agilité ? Alors certes, le malaise n’est pas ressenti partout, l’agilité fonctionnant dans beaucoup d’équipes et de petites structures.
Mais pourquoi est-elle source de malaise dans certaines structures (votre grand compte par exemple) ? Pourquoi rien ne ressort de vos cérémonies ? Pourquoi avez-vous l’impression que le sprint est devenu une course insoutenable à la productivité ?
Peut-être avez-vous tenté d’appliquer dogmatiquement Scrum, en renommant votre chef de projet “Scrum master”, en obligeant les équipes à participer à des cérémonies qu’elles ne comprennent pas ?En fait, la réponse est assez simple : vous essayez de mettre en place l’anarchisme dans une structure qui veut tout contrôler.
Par exemple : prévoir le coût des choses avant de les avoir définies (et donc au moment où l’on a le moins d’informations sur le sujet), avoir l’impression de savoir où on va, que tout est sous contrôle.
C’est pourtant l’origine de l’agilité ! On sait que ça ne va pas se passer comme prévu, réfléchissons plutôt à comment nous adapter.
Donc oui, vous essayez de mettre en place l’anarchisme dans une structure capitaliste, une de ces nombreuses entreprises qui base sa croissance sur une sur-interprétation du Darwinisme pouvant se résumer par “manger ou être mangé”.
Vous demandez à des personnes qui ont été recrutées pour leur docilité de faire preuve de leadership ?
Et à celles recrutées pour leur autorité de déléguer ?Vous n’y arrivez pas ? Vous vous confrontez à une culture contraire ? Etes forcés de mener une “conduite du changement”…? C’est étonnant !
L’agilité, comme elle devrait l’être effectivement, grince et a du mal à passer. Tout simplement car elle n’est pas adaptée à notre système.
On peut aisément l’expliquer par le fait que l’agilité n’est pas une évolution de l’approche traditionnelle mais une rupture avec la pensée déterministe de cette approche (à l’image de la physique quantique qui fut une rupture avec la physique traditionnelle).
L’agilité est en rupture avec l’entreprise de la même façon que l’anarchisme serait en rupture avec notre société actuelle.
On parle ici de remettre l’Humain au centre des stratégies.Abandonner l’agilité ?
L’agilité va à l’encontre de la façon dont est construite notre société. C’est ce qui explique cette zone de friction permanente.
Je pense sincèrement que la philosophie agile est la bonne approche, mais qu’elle n’est pas adaptée à tous les environnements.Si une méthode ne vous convient pas, arrêtez de la tordre, de la cabosser pour la faire rentrer dans votre moule. Laissez tomber et arrêter de faire souffrir vos équipes plus qu’elles ne souffrent déjà !
bjkx6v0cqaa4jAprès, en ce qui me concerne, j’aime bien cette “agilité” et ses principes. Dans l’idéal, je préférerais que l’on change de société, pour aller vers plus de confiance, plus de réalisme et plus de collaboration, plutôt que de l’abandonner.
Cela permettrait qu’elle ne soit plus en rupture avec le modèle des entreprises, et on y gagnerait tous.Mais c’est un idéal encore lointain…
sources et inspirations:
– manifeste agile
– Baillargeon, Normand. “L’ordre moins le pouvoir : Histoire & actualité de l’anarchisme”. Agone, 2008. ISBN-10: 2748900979
– Petr Alekseevitch, Kropotkine.”la morale anarchiste”. Fayard (1001 nuits) ISBN-10: 2842058372
– Mikhail, Bakounine. “Dieu et l’état”. Fayard (1001 nuits) . ISBN-10: 2842050746
– “Ni dieu Ni Maitre”, Les sales magestés. https://play.spotify.com/track/2qhMZuHIUmTh0yAZE3zVbYMerci à Olivier pour avoir collaboré à enrichir cet article.